dimanche, août 27, 2006

L'humour, un outil de communication efficace ?

Tant qu'on fait rire, c'est des plaisanteries. Dès que c'est pas drôle, c'est des insultes.

Coluche



Extrait du Mémoire de recherche 2003/2004 de Gaëlle Cottenceau, sous la direction de Patrice Stern, directeur de recherche à l’ESCPEAP :

Entretien avec Pascal Guichard, ancien DRH des filiales France Télécom EGT

Frapar est intervenu chez France Telecom EGT en 1997. Le contexte était celui du rachat par France Télécom EGT de sociétés plus petites. France Télécom EGT est une branche de France Télécom qui propose des solutions de télécommunication pour les entreprises dans le domaine de la téléphonie mobile, de la télécopie, de la visioconférence et de la radiomessagerie. Cette branche racheta en 1997 une dizaine de petites structures (pas plus de vingt personnes par société) spécialisées dans ces domaines, afin de les fédérer et de proposer une offre globale.

Ces sociétés étaient habituées à fonctionner de manière autonome en effectifs restreints, elles avaient des cultures d’entreprise différentes, et le rachat n’était pas forcément du goût de tous. En plus de ces problèmes, ces petites sociétés avaient été auparavant concurrentes entre elles ! Comment les rapprocher et réussir à les intégrer au sein d’une structure unique où tous seraient capables de travailler ensemble?

Une réunion générale fut organisée, regroupant environ 200 personnes, afin d’amorcer cette démarche d’intégration, d’en expliquer les raisons, les objectifs et le déroulement. Afin de marquer l’événement et de détendre cette atmosphère explosive, la Direction fit appel au caricaturiste Frapar. Ce procédé, original pour l’époque, fut réalisé sur proposition d’une agence événementielle.

L’intervention du caricaturiste ne demanda pas une énorme préparation puisqu’elle est basée sur une grande part d’improvisation en fonction des réactions du public, de la tournure des événements au cours de la réunion et du feeling du dessinateur. Il assista simplement la veille aux répétitions des présentations des dirigeants.

Le lendemain, le jour de la réunion générale, il était dans la salle parmi l’assemblée, avec son bloc-note et un accès à l’écran de projection vidéo où défilaient les slides de l’orateur. Il dessinait en direct, en fonction du thème et de l’intervenant, et projetait son dessin immédiatement, de façon inattendue aussi bien pour l’orateur, qui ne maîtrisait pas l’insertion des dessins au milieu de sa présentation, que pour l’assemblée qui n’était pas avertie du procédé. Le résultat est immédiat : le public rit aux éclats, cela détend aussi l’orateur un peu crispé par les annonces qu’il doit faire, et diminue la pression générale dans la salle.

Certes on est un peu déconcentré pendant quelques minutes, mais cela n’empêche pas le sérieux de revenir très vite, et le message est passé et retenu ! Le but n’est pas de détourner l’attention des gens pour faire passer inaperçues les moins bonnes nouvelles. L’objectif est bien de faire passer clairement un message, mais sans lui donner un ton dramatique. Le procédé a permis de faire sortir cette réunion du lot, a montré une volonté de dialogue et d’ouverture, et a aidé à envisager le changement avec moins d’appréhension.

A la fin chaque participant a reçu un cahier avec les dessins, et on se souvient encore du message des années après! C’était en 1997, mais aujourd’hui encore devant chaque dessin M. Guichard sourit et se remémore des anecdotes survenues au cours de la réunion et surtout ce que chaque dessin illustre, le propos précis auquel il fait référence.

L’humour a donc permis de faire ressortir des idées clés et de les ancrer dans chaque esprit, de rapprocher les gens, et d’amorcer un comportement de changement sans faire de réfractaires…



(Publié avec l'aimable autorisation de Gaëlle Cottenceau)